Retrouvailles nocturnes (PV John)

La nuit et le silence planait désormais sur la ville. Seuls, les pauvres lampadaires éclairaient quelques rues avec difficultés. L'unique bruit de fond était un brouhaha lointain et sourd : la taverne. A l'intérieur, des hommes chantaient dansaient, riaient, se bagarraient à l'unisson. Sur le toit de cette dure maison en pierre et brique, un couple de corbeaux résidaient depuis quelques minutes. Croassant d'une façon fort lugubre, ils attendaient leur heure de gloire où ils pourraient enfin se débarrasser de l'occupant des déchets de la taverne. Soudain, un grand fracas résonna dans toute la maison qui stoppa toutes les intentions des charognards qui s'envolèrent à tire d'ailes. Le bruit sourd avait été causé par un verre cassé ou plus encore, constatant la résonance du verre se répandant sur le sol. Il fut suivit d'une montée de rires dans toute la salle, des rires moqueurs de vieilles ivrognes, puis une porte claqua violemment. Le 'calme' cependant retomba assez vite mais les deux volatiles ne revinrent pas pour autant. Par contre, lui, il reprit ses occupations, bien trop affamé pour faire autrement.

Tout les soirs, il faisait les poubelles pour essayer de trouver quoique ce soit pour remplir son estomac qui criait famine depuis des jours et cela durait pendant déjà deux semaines entières. Il préferait, certes, cette vie au long mois qu'il avait du subir sur cette île maudite. Oui, il avait survécu pendant un mois là bas, mais à quel prix. Il s'était fait prisonnier des cannibales, avait subit les pires crimes imaginables contre sa personne mais finalement, c'était en gagnant l'amour de la fille de leur chef qu'il avait réussi à être libéré. Lui-même, ne se souvient plus tellement de la façon dont il avait réussi à s'être échappé de l'île du diable, ou il essayait plutot de ne plus s'en souvenir. Dieu avait désiré qu'il vive plus longtemps que prévu, si bien qu'il rencontra au bon moment les bonnes personnes : des corsaires avisés et sans crainte qui volèrent à son secours alors qu'il se laissait aller sur l'étendue d'eau salée qui portait le nom de mer. La douce berceuse des vagues revenait dans son esprit de temps à autre, lorsqu'il essayait de ne pas penser à la nourriture. Mais cette époque était désormais révolue.

Il avait réussi à se procurer une longue cape sombre aux couleurs de la nuit, munie d'une capuche qui couvrait complètement son visage. Il ne la quittait plus. Ses secouristes lui avait déniché une chemise blanche ainsi qu'un corsaire quelque peu usé et des chaussures encore en état. Pour le reste, il avait dû se débrouiller. Pourtant, il était resté sous sa forme de loup blanc plutot qu'humaine pour éviter tout soupçons. En effet, il avait des allures de chien errant avec son pelage clair sale et son air appauvri, ce qui lui enlevait tout contact avec les autres. Mais la vie en ville à faire les poubelles lui convenait tout de même mieux que de fuir sans cesse les sauvages mangeurs d'hommes sous une chaleur écrasante. Malgré son isolation, il avait gardé la tête froide, ce qui était un bon point pour lui car n'importe quel homme normal aurait perdu la tête sur l'île. Ah! une cuisse de poulet pas trop pourrie avec quelques restes! il se jeta dessus, croquant à pleines dents la volaille. Ainsi, il avait atterri dans se quartier, et les plus grands festins étaient dans les déchets des tavernes et auberges les plus fréquentées. Cela n'avait rien d'étonnant. L'os de poulet, la cuisse, n'était pas très charnue, et il n'eut pour repas qu'un maigre bout de peau. Ne perdant pas espoir, il creusa dans la grande bène à ordures avec ses pattes douloureuses lorsque soudain..

Malgré son air agile et confiant, John n’était pas très adroit. Seul, sur le radeau, il avait mis du temps à comprendre la situation. Il cru d’abord rêver, mais il se rendit vite compte que tout ce chemin n’était pas un rêve, malheureusement pour lui. Il resta longtemps attaché au radeau, seul avec son chagrin… Il venait de perdre un ami, même plus, sous ses yeux. Celui-ci c’était sacrifier pour lui… Nan, il ne voulait pas vivre comme ça ! Serrant ses dents, les yeux remplis de larmes, des petits cri de chagrin sortant de sa bouche, couverte de sel, provenant de la mer, froide, mais calme. Le silence apaisant réconforta John, qui avait cessé de pousser des petits gémissements, venant du plus profond de son cœur. Le bruit des vagues était si doux… Tout à coup, un cri surgit alors du milieu des océans. John, au milieu de son radeau, venait de lacérer les liens qui le maintenaient au radeau. Ses mains et ses pieds avaient des marques importantes, il saignait tellement Matias avait serré les lianes… des larmes coulants sur sa joue, il criait le nom de son ami, au milieu des océans, à en perdre la voix. Il plongea soudain dans l’eau, et nageai en vain vers un des cotés. On ne distinguait aucun bout de terre, d’ici, on ne voyait que la mer. Entraîné par le courant, il luttait, et il ne lui fallut pas longtemps pour fatiguer. Ayant perdu espoir, il remonta, dégoûté, sur le radeau. Un gargouillis ce fit entendre, c’est vrai, il n’avait pas mangé depuis plusieurs jours, et il mourrait de faim. Perdu dans ses pensés, il murmura lentement, les yeux fermés :

« Je t’attendrais… »

Finalement, il amerrit près d’un port, où il se glissa dans une cale d’un petit bateau, qui l’amena dans une ville. Pour survivre, il volait, ou mendiait, ce n’était pas la joua tout les jours, pour trouver de la nourriture, jusqu'à ce qu’il trouva un petit boulot de serveur, dans une taverne glauque de brutes et d’ivrognes… Plusieurs jours passèrent, il était alors de plus en plus habitué à l'ambiance de cette taverne, qui n’était après tout, pas aussi nulle que ça. Après la « mort » de Matias, John était plus renfermé, mais toujours aussi calme. Il ne faisait pas très attention aux regards des gens, aux remarques qu’il lui faisait, tout ça, il s’en foutait.. Tout ce qui comptait à ses yeux, c’était de survivre, pour Matias, oui, il lui avait promis, promis qu’il reviendrait ! Un petit moment d’inattention, et le plateau que John tenait entre ses mains osseuses glissa de celles-ci. Il vit alors ce moment au ralentit, il commençait à tomber, tout ses souvenirs revenaient en tête, son naufrage et sa rencontre, il était à quelques centimètres du sol, ses discutions avec LUI et sa complicité, son nez n’était plus qu’à quelques millimètres, leurs fuites raté et les grognements et le sang…

Il ressenti une grande douleur au niveau de sa tête. Non pas parce qu’il s’était fait mal, mais parce que le choc qu’il venait d’encaisser lui procura un mal de tête atroce. Du verre était répandu par terre, dans la salle. Des rires gras et puant l’alcool venaient de partout, John se releva, plusieurs bouts de verre s’étaient planté sur lui, le plus important sur sa figure. Il le retira sans grimace, et le jeta par terre, plus déterminé que jamais, il se dirigea vers la porte qui menait dehors, l’ouvrit d’un geste brusque, marchant d’un pas déterminé, le sang continuait de courir sur sa joue mal rasée, regardant vers l’avant d’un regard de tueur. Un homme était là, dans le coin, en train de fouiller les poubelles. Il commencé à ouvrir sa bouche, mais se dit que cet homme capuchonné vit la même chose qu’il avait vécu, et donc, ne lui dit rien… Il n’avait aucune intention de retourner dans ce bar, pour l’instant, il voulait prendre l’air, remettre ses idées en place. L’homme encapuchonné l’avait sans doute remarqué, mais bizarrement, n’avais pas détourné sa tête. John marcha lentement vers lui, il cherchait quelqu’un avait qui parlé, il n’en avait pas eu l’occasion depuis longtemps, car les personnes qui fréquentaient le bar n’étaient pas du genre sociales, et il savait que les gens en difficultés financière, comme lui, était beaucoup plus sociables. Il s’approcha alors de lui, et celui-ci se retourna alors immédiatement, entendant du bruit venir vers lui. C’est alors que John s’arrêta, les yeux grand ouverts, étant à trente-cinq centimètres du l’homme. Une larme coula alors sur sa joue, se mélangeant à son sang… Ses yeux, il les reconnaîtrait entre milles…

La porte arrière s'ouvrit dans un brusque mouvement mais Il ne réagit pas. Peut être était-il maintenant habitué aux serveurs coleriques qui trainent derrière les bâtiments. Toujours occupé à déguster ses pauvres émincés de poulet avarié, Il ne tourna pas la tête. Son flair d'animal reconnu une odeur lointaine mais Il n'y prêta pas attention, surement l'air chaud de la cuisine, du foyer, qui lui revenait en mémoire. Pourtant, le nouvel arrivant semblait ne pas vouloir Le laisser tranquille. Quelques pas vers Lui pour le chasser? Qu'il essaye tiens! Deux longues minutes passèrent pendant qu'Il dévorait lâchement sa pourriture de volaille alors que le gamin l'observait toujours. Il ne surpportait pas qu'on le fixe ainsi, Il sentait les yeux du jugement sur lui. Refusant de détourner son regard de son festin nauséabond, L'homme encapuchonné cracha de sa voix si grave pleine de vécu :

« Qu'est-c't'as toi? Rentre chez toi tu veux... »

Son ton agressif ne l'était apparement pas assez pour l'inconnu qui s'était rapproché. Il redressa soudain la tête, reconnaissant une odeur particulière : celle du sang. Viande au gout sucré. Il balança avec nonchanlance son os puant dans la beine à ordures pour lentement se tourner vers l'autre. L'autre en question, fut plus grand que prévu. Bizarrement, on ne voyait de l'homme loup que son regard et ses canines blanches qui scintillèrent lorsqu'un sourire s'afficha lentement sur son visage crasseux. Pourquoi souriait-il? Non, ce n'était pas bon signe. Une langue asoiffée cassera sa dentition intacte par rapport au reste de corps de l'homme. Un son de voix complètement différent retentit dans la gorge du garçon, comme un prédateur avant la chasse.

« C'est si dangereux dehors, la nuit... »

Il n'avait pas reconnu son compagnon de misère. Bien sur qu'il se souvenait de lui, mais il était arrivé tant de choses entre temps que même un homme aurait oublié le nom, la voix, le visage de sa propre femme. La main gauche de l'homme loup toucha délicatement le visage de l'ami oublié pour récupérer quelques malheureuses gouttes de sang qu'il lècha ensuite. Ce gout de viande fraiche lui rappela la vie, la campagne, la mer... Etait-il ivre? Ou peut être était ce le poulet moisi qui le rendait fou? Un bandeau? Ce type aurait un oeil en moins? Ca lui rappelait quelque chose... quelqu'un... La fatigue rendait Matias fou, c'était un miracle qu'il tienne encore debout.