Atterrissage

Spoiler:

Un ciel lourd, tellement nuageux qu'on pourrait croire qu'il n'a toujours eu qu'une seule couleur, le gris foncé, presque anthracite. C'est ce que pouvaient observer les habitants de la forêt rouge ce matin. Arrivé soudainement et sans signe précurseur, la vague de nuages avait déferlé sur le bleu irisé de l'aube, occultant le soleil naissant. Quel drôle de temps... En cette saison y'a plus d'saison!

Un courant d'air soudain agita les branches des arbres aux feuilles cramoisies envoyant voler des feuilles. Un nuage en particulier venait de se détacher de la masse et fondait vers les frondaisons frissonnantes. Epsylon, grand dragon noir faisait son arrivée sur cette nouvelle île. Inexistant par rapport à cette masse de cornes, d'épines, d'écailles et de dents, une silhouette humanoïde se reposait, couchée sur la nuque du dragon.

Un pied griffu, le second, des branches qui craquent et des troncs qui se déchiquètent, et le soleil refit son apparition. Les nuages se dissipèrent, se dissolvant dans le ciel de nouveau bleu, et tout redevint clair.

Se dissimuler pour voyager était une vieille habitude prise par Epsylon. Cela datait de l'époque révolue où les dragons étaient courants sur terre, et où une attaque pouvait se produire à tout moment. Désormais c'était moins indispensable, mais on ne change pas une bonne habitude et les nuages offraient un linceul confortable. Maintenant au sol, Epsylon était assez grand, et donc visible, pour que sa tête dépasse des hautes cimes, et pour ce qui était de la discrétion, c'était raté. Il était aussi visible qu'un Balrog dans un spectacle d'Holiday on Ice.

"'Psy, réduis toi s'il te plait."

La voix las d'Aizen se fit entendre aux oreilles du Dragon. Et bien, il était temps, ça faisait 2 jours qu'il n'avait rien dit.

"Je commençais à croire que tu me faisais la tronche. Bon, ok, je me réduis, mais c'est bien parceque ces branchages me chatouillent le cuir..."

Utilisant ses capacités innées de dragon, Epsylon devint plus petit, réduisant sa taille jusqu'à être aussi grand que de 2 chevaux. Le sol s'approchait assez vite aussi Aizen sauta de son perchoir et atterrit doucement sur le tapis de feuilles. La forêt sentait bon l'érable et les essences de bois, l'humus et la rosée matinale, c'était agréable. Un sac posé nonchalamment sur l'épaule, le métamorphe fit quelques pas afin de dégourdir ses jambes. 2 jours de vol, et pas une seule pose, ses articulations étaient raides!

"Voilà, tu es content? Je me sens diminué, mais c'est vrai que ces troncs sont bien gênants... La prochaine fois on ferrait mieux de choisir un endroit dégagé pour atterrir, ce serait plus commode..."

Epsylon s'auto-observait en contorsionnant son cou. Il vérifiait toujours que la réduction n'avait pas affecté sa classe naturelle, enfin, si on se basait sur les canons de beauté draconiques. Après tout, il pouvait être amené à rencontrer une femelle au détour d'un chemin. Moins imposant qu'il ne l'était en vérité, il affichait avec honneur les attributs de son âge (épines et cornes), afin que la dragonnette possible ne se trompe pas sur sa véritable valeur.

Aizen ne prit pas la peine de répondre à la question. Cela faisait tellement de temps qu'il connaissait son associé qu'il avait assimilé les caractéristiques de son langage : beaucoup de questions rhétoriques, beaucoup de discussions avec lui même, peut être dues à ses années d'isolement. Et Psy était très bavard.

Le dragon bailla et se frotta le nez avec une de ses pattes griffues. Puis humant l'air, il dénicha pas très loin ce qui lui servirait de dîner.

"Harde pas loin. Je te ramène quelquechose ou tu te débrouilles?"

Probablement une harde de cerfs qui finiraient brûlés par l'acide du monstre, prédigérés, et qui atterriraient dans son estomac. Imaginer avoir à manger un de ses restes n'avait rien d'apetissant.

"Non, merci, j'ai prévu de quoi m'occuper. Mais vas-y, et retrouve moi quand tu auras fini."

Un hochement de tête et Epsylon se détourna. S'enfonçant sous les branches, il s'éloigna vers son dîner. Désormais seul, Aizen s'étira et s'assit sur une souche d'arbre mort. Bien, il serait probablement tranquille quelques heures. Il ouvrit son sac et en sortit une gourde et un reste de fromage et de viande séchée. Il serait bientôt temps de se réapprovisionner... Et d'abord de savoir où il était!

Les loups ne savent pas pleurer.

Mais ce n’est pas pour autant qu’ils ne souffrent pas autant que la plupart des êtres vivants. Bizarrement, les hommes ont toujours voulu se persuader que les bêtes n’avaient pas de sentiments. Surement pour se donner bonne conscience. Cela faisait maintenant quelques semaines que la lupine avait quitté ses deux amies, Lilith, reine du clan aquatique et Yorda, génie muette mais tellement attachante. Swan avait trotté, de ce trot chaloupé et souple qu’ont tous les loups, ne faisant aucun bruit sur les feuilles mortes du sous bois. Elle savait exactement où elle était arrivée, car elle était déjà venue ici, par incident, peut-on dire. Cette forêt l’avait toujours attirée étrangement. Déjà, la couleur des feuilles, rarement aussi chatoyante, captait le regard vert mordoré de la louve, lui procurant calme et sérénité. La rosée s’étant fixée sur son pelage d’un blanc étincelant contrastant agréablement avec le rouge profond de la végétation environnante, elle s’ébroua, et dans un geste coulé, elle se métamorphosa en femme. Elle avait conservé sa robe de feuilles tissée de soie naturelle. Elle sourit au soleil encore timide en repensant à ce passage de son voyage. Mais la lupine passa rapidement à autre chose, elle avait en effet terriblement faim. Humant paisiblement l’air autour d’elle, l’odeur de l’herbe en décomposition lui vint aux narines. Elle aimait profondément cette odeur, elle lui rappelait son enfance, et plus précisément, Liber. Maintenant, elle avait presque réussi à oublier son chagrin et sa culpabilité. C’était sa meute la responsable, pas elle.

Un mouvement furtif sur sa gauche. L’esprit de la louve bondit en elle, lui arrachant un gémissement imperceptible. Quelques secondes à peine plus tard, Swan alluma un feu afin de cuire sa proie : un grassouillet lièvre des bois.
Après une rapide pause déjeuner, elle reprit sa route, seule à penser sur elle-même. Elle sentit une horde de grosses proies non loin de là, mais elle n’était pas affamée au point de courir le risque de se faire encorner par l’un des ces cerfs à moitié fous. Il y avait aussi une autre odeur, plus forte et moins intense à la fois. Swan n’avait jamais sentie cette odeur, ça ressemblait un peu à du souffre mélangé à l’odeur que dégage un lézard qui a chauffé longuement au soleil. Mais la lupine n’eut pas le temps de s’épancher plus en détails sur la question, une déflagration venait de se faire entendre, et elle dut se jeter au sol pour éviter un torrent d'acide. La première attaque passée, complètement paniquée, elle se mit à courir pour échapper à ce qu’elle pensait être l’enfer. Swan ne connaissait pas vraiment la peur, c’était la première fois qu’elle tombait sur un dragon, enfin, elle ne l’avait pas vu. Et de toute façon, elle n’aurait pu savoir ce que c’était.

Courant sans regarder où elle mettait les pieds, la jeune femme finit par trébucher sur une racine d’une vieille souche, s’étalant lourdement sur le sol poussiéreux. La tête dans le sable, elle ne s’aperçut pas de la présence d’un homme sur cette souche ci-dessus citée. Crachant de la terre et quelques brins d’herbe, elle se releva péniblement, redescendant sa robe qui était remontée le long des ses hanches lors de sa chute.

« Fais chier, manquait plus que ça, ça doit bien être la pire gamelle de toute ma vie…J’espère que personne ne m’a vu…Mais qu’est-ce que c’était que cette chose ??! »

Swan essuya ses genoux ensanglantés, puis se préparant à repartir, remarqua enfin l’homme assis sur la souche, tenant de quoi se sustenter dans la main. Elle ne put s’empêcher de laisser tomber très gracieusement sa mâchoire inférieure. Bien sur, cela n’était pas digne d’une lupine aussi racée qu’elle, mais on pouvait en dire autant de la vautrée qu’elle venait de se prendre devant cet homme aux cheveux bruns. Etait-il dangereux ? Par prudence, la jeune femme aurait du se mettre en position de défense mais bizarrement, elle était comme hypnotisé par les yeux de l’homme. *Je dois vraiment avoir l’air très conne…Et mes genoux qui continuent de pisser le sang… -__-' * Elle n’osait pas prendre la parole en première, n’ayant en plus pas parlé depuis plusieurs semaines… D’ailleurs, elle ne bougeait pas d’un pouce.

[ Voilà, j'espère que ça t'ira comme entrée en matière =) Tu peux si tu le désires m'ajouter sur MSN, mon adresse étant spécifiée dans mon profil... Hâte de te lire =D ]

[HRP : Bon, je te lai dit par MP, y a un petit détail qui cloche, mais c'est pas grave. Et puis si tu le sens, tu pourras toujours éditer après, alors hop, je répond! ^^]

Aizen avait entendu l'inconnue arriver avant même de la voir. Il fallait dire que malgré toute la discrétion dont elle aurait pu être capable, s'enfuir terrorisée ne permettait pas de passer vraiment inaperçu. Par contre le métamorphe ne s'attendait pas à ce qu'elle chute de cette façon... Ouvrant ses grands yeux d'acier avec un air surprit, il contempla le magnifique vol-plané-tripple-loops-piqué qui fit atterrir la jeune femme... le nez face au sol (de quoi dire bonjour aux taupes).

Toujours immobile et muet, Aizen l'observa ensuite se relever péniblement, redescendre sa robe (quel dommage...) et cracher ce qui avait eu l'audace de passer ses lèvres. Pas très délicat comme geste, mais bon, on était pas à ça près. Qu'est ce qui avait pu faire en sorte que cette demoiselle soit dans cette forêt, mais aussi pourquoi s'était elle mise à courir comme si elle était poursuivie par un troupeau de fans en chaleur?

Citation :: « Fais chier, manquait plus que ça, ça doit bien être la pire gamelle de toute ma vie…J’espère que personne ne m’a vu…Mais qu’est-ce que c’était que cette chose ??! »

Ah, mais oui, c'était évident. Passant le juron, Aizen se concentra sur la fin de phrase, et il comprit pourquoi la jeune femme avait eu l'air d'avoir la mort aux trousses. A cause des années passées à le côtoyer, le métamorphe oubliait parfois qu'Epsylon pouvait être passablement... terrifiant. Lui aussi avait été terrorisé la première fois qu'il l'avait vu, mais cette impression s'était atténuée.

La jeune fille se pensait certainement seul, il se demanda comment elle allait réagir en posant les yeux sur lui. Oh, il ne s'en faisait pas pour sa personne. Déjà parceque ses pouvoirs l'avaient rendu... un peu moins sensible à la notion de danger, mais aussi parceque son entrée décrédibilisait toute la dangerosité qu'on aurait pu lui attribuer. Toujours sans bouger, il attendit... Vivement qu'elle se décide, il avait un peu soif...

La réaction tant attendue le fit sourire. Ca avait le mérite d'être expressif. Oui, elle était surprise, pas de doute là dessus. Elle devait aussi avoir un peu honte. Vu qu'il était en terre inconnue, Aizen se décida à jouer l'homme aimable, la bonne patte, le type de confiance, un de ses meilleurs rôles de composition. Ses lèvres s'étendirent en un sourire amusé, destiné à la rassurer. Emballant le reste de viande séchée, il se leva doucement, direction la jeune femme.

Sa façon d'avancer était assez tranquille pour ne pas effaroucher la demoiselle. Il avait même pris la précaution de laisser son arbalète sur la souche. Après tout, hein, il avait mieux en cas de grabuge. Avisant ses genoux en sang, il lui tendit un mouchoir.

"C'était une jolie chute, merci pour le dîner spectacle."

Un autre sourire, non pas moqueur, juste amical.

"Cet endroit a finalement l'air intéressant. Soyons polis : je me nomme Aizen, et toi?..."

A cause de son âge qu'on ne devinait pas mais qui était pourtant réel, et parceque c'était une vieille habitude, le métamorphe ne vouvoyait quasiment jamais ses interlocuteurs. Encore moins après une telle entrée!

Swan n’en croyait ni ses yeux ni ses oreilles. C’était bien un homme, là, qui se dressait devant elle l’air de rien. Et elle qui venait de se vautrer en beauté. Mais quelle honte, il ne manquait plus que ça. La jeune femme se sentit rougir, elle qui avait toujours eu le teint pâle, comme nombre de ses compatriotes lupins. Physiquement, l’homme était assez grand mais pas beaucoup plus que Swan, elle-même assez bien bâtie pour une femme. Ses yeux, luisant d’un éclat métallique plutôt étrange, inspiraient néanmoins la confiance. Son sourire, surtout, procurait une infinie douceur dans son regard. Il ne semblait pas se moquer de la jeune femme, alors, elle commença à se détendre lentement, son pouls ralentissant peu à peu. Les deux êtres, perdus au fin fond de la forêt, se jaugeait du regard, puis, d’une voix chaude et distincte, l’homme pris la parole, tout en lui tendant gentiment un mouchoir pour ses genoux abîmés :

Citation :: "C'était une jolie chute, merci pour le dîner spectacle."

Il n’y avait point d’ironie dans ces paroles, seulement un constat de ce qui s’était passé, et, Swan se l’avouait, ça avait été vraiment une chute spectaculaire. Maudites soient les racines à moitié pourries. La jeune femme tendit la main timidement vers le fin tissu que lui tendait l’inconnu, puis l’appliqua sur ses blessures. Elle n’eut pas le temps de le remercier, ce dernier enchaînant sur d’autres paroles :

Citation :: "Cet endroit a finalement l'air intéressant. Soyons polis : je me nomme Aizen, et toi?..."

La jeune femme ne réagissait pas. On aurait pu la prendre pour une retardée mentale à ce moment précis : la bouche légèrement entrouverte, l’œil hagard, elle ne savait pas trop quoi répondre à l’homme plutôt séduisant qui se trouvait face à elle. Puis, elle sembla reprendre le contrôle de ses gestes ainsi que de ses pensées, ferma sa bouche et articula avec difficulté :

"Oui, pas aussi ennuyeuse qu’on pourrait le croire cette forêt… Un peu effrayante, et le sol est un peu dur, mais on doit pouvoir s’y habituer. Mon nom est Swan Artémis, mais tu peux m’appeler Swan tout court. Désolée de ce spectacle affligeant, cela doit faire plus de 10 ans que je ne m’étais vautrée aussi durement…Je tiens à te dire, car j’ai connu plusieurs personnes que cela dérangeait, que je fais partie la race des très tristement connus lupins…"

Qu’ajouter d’autre ? Soit Aizen allait répondre, soit il partirait en courant, et bizarrement, la lupine espérait au fond d’elle que l’homme resterait. Depuis pas mal de semaines qu’elle côtoyait la solitude, elle commençait à en avoir par-dessus la tête. En plus, c’était un être masculin, et à part la rapide rencontre ratée avec un homme pour qui elle avait eu le béguin, et bien sur, son amour d’enfance décédé, elle ne connaissait pas trop les us et coutumes des hommes. Elle gratta sa cicatrice dorsale, histoire d’avoir quelque chose à faire de ses mains, mais en réalité, elle était très gênée par le regard de l’inconnu sur elle. Swan ne savait comment interpréter les regards insistants d’Aizen. Faisait elle inconsciemment la même chose de son côté ? Etait-ce la symbolisation de sa curiosité ? La lupine devina à son apparence qu’il était métamorphe, cela grâce à un grand entrainement… Elle avait toujours été douée pour ça, mais quant à savoir à quel clan il appartenait, c’était un mystère, d’autant plus que la jeune femme ne connaissait pas tous les clans présents dans le monde de Neverland.
Comment se conduire correctement sans outrager les inconnus ? Ce n’était pas vraiment la tasse de thé de Swan car elle aimait rester elle-même et ce en toute circonstance. Elle détestait l’hypocrisie.

Les loups ne mentaient jamais.

La demoiselle rougissait et se contentait de rester immobile. Pendant quelques minutes, Aizen se demanda si elle parlait le commun ou si elle n'avait absolument rien comprit de ses paroles. Quoi qu'il en soit, il y a des langages qui sont universels, et le sourire d'Aizen ainsi que son expression de calme détendirent quelque peu l'atmosphère gênée.

Elle était grande cette demoiselle, et plutôt élancée, peut être même un peu trop selon certains critères. Ses cheveux avaient une apparence plutôt étrange, et sa peau très pâle, plus que celle d'Aizen qui avait passé bien des années au soleil et avait un teint légèrement cuivré. Elle possédait aussi un tatouage sur la joue. Etais-ce un symbole, ou une simple décoration? Impossible à définir...

La jeune femme s'était décidée à prendre le mouchoir, afin d'essuyer ses plaies, puis son air hagard laissa la place à une expression plus... normale, et elle ouvrit la bouche pour parler, en commençant par les habituelles banalités qui ouvraient le bal.

*Swan...*

Un cygne... Elle n'en avait pas l'allure. Quand à son excuse sur sa chute, Aizen comprit que ces paroles servaient de justifications. Elle n'était pas assez sûre d'elle même à se moment là pour assumer et en rire, non, elle cherchait à le rassurer, mais surtout à se rassurer elle même. Tout le monde tombait, ça arrivait, pas de quoi en faire un plat!

"Tu fais partie de la race des lupins? Je t'avoue que je n'en ai pas rencontrés beaucoup. Mais il en faut plus pour me faire fuir, ne te soucies pas de ça."

Aizen souriait toujours, prouvant par son attitude qu'il n'était nullement effrayé, ou perturbé par cette révélation. Il lui en fallait plus. Prennant un air plus sérieux, il fronça les sourcils, l'air préoccupé.

"Par contre il y a apparemment plus préoccupant : on aurait dit que tu avais le diable aux trousses tout à l'heure. Un lupin est sensé avoir l'habitude des bois, alors qu'est ce qui a pu t'impressionner à ce point là?"

La réponse, il la connaissait presque déjà d'office. C'était forcément Psy qui avait fait des siennes, il ne devait pas vraiment y avoir d'autres bêtes plus dangereuses par là et en pleine journée. Mais jouer l'innocence pourrait peut être lui abstenir d'avoir à réveiller son association avec un dragon à Swan, pour le moment. Ne connaissant encore ni les lieux ni le caractère réel de la jeune femme, il préférait être prudent...

Invité surprise, un serpent venait de faire son apparition, de derrière la souche, slalomant entre les feuilles qui couvraient le sol. Sa taille était imposante, puisqu'il toisait les 2 mètres de long, et son corps souple avait la même couleur que l'ébène la plus foncée. Brillant comme si elles étaient laquées, ses écailles ondoyaient avec les rayons du soleil, comme un avertissement sur la dangerosité de son espèce.

Ce prédateur là avançait plutôt rapidement. Son allure laissait comprendre qu'il n'était pas là par hasard, qu'il avait un but pour se présenter ainsi à la vue de Swan, mais il n'allait aussi pas trop vite, afin qu'on le voie, qu'on l'admire, qu'on le craigne aussi pourquoi pas. Il était arrivé par le même chemin que la lupine, et Aizen lui tournait le dos. L'animal était tellement discret malgré sa taille, qu'un être normalement constitué qui lui tournerait le dos n'aurait pas pu l'entendre.

S'approchant du jeune homme, le serpent se dressa d'une bonne hauteur, et tourna rapidement autour d'une de ses jambes, et choisit de s'enrouler autour des hanches du métamorphe, étrange ceinture, imposante, brillante, et mortelle. Alors qu'il aurait pu rester ainsi, le serpent continua sa progression, sa tête se glissant dans le dos d'Aizen. Puis, il passa sur son épaule gauche, et tendit sa langue bifide en direction de Swan.

L'attitude d'Aizen à ce contact était encore plus étrange que l'apparition en elle même : il n'avait pas bronché. Laissant le prédateur faire à sa guise, il tournait maintenant un regard neutre vers la tête sifflante qui frôlait son oreille. Levant la main gauche, le métamorphe passa ses longs doigts sur la gorge du serpent, comme s'il se caressait. Epsylon aimait bien ce genre de contact, et malgré la tension latente qui régnait constamment encore les deux associés, ils avaient développé avec le temps un petit rituel composé de gestes communs qui auraient presque fait penser à de la tendresse entre un homme et son animal de compagnie. Sauf que le dit animal pouvait aussi vous tuer d'un coup de griffes, et ça Aizen s'était juré de ne jamais avoir un moment de faiblesse qui lui donnerait l'occasion de le faire.

Le métamorphe posa à nouveau son regard sur Swan, afin d'observer sa réaction. Dans le règne animal, ce genre de créatures à écailles n'étaient pas vraiment appréciées. Alors elle qui devait avoir un instinct infaillible de par sa race, comment allait être se comporter? Le fait d'être aussi intime avec une telle créature allait il décrédibiliser l'impression de gentillesse qu'Aizen s'employait à imposer? où allait elle ne pas s'arrêter à ce genre de cliché?...

Aizen ne répondit pas tout de suite à la présentation de la jeune femme, ce qui rendit l’attente encore plus insupportable. Allait-il s’enfuir oui ou non ? Mais l’homme restait silencieux, et il semblait détailler la lupine de la tête aux pieds de son regard gris acier. Il insista plus particulièrement sur son visage, ses yeux effleurant son tatouage de loin. Celui-ci était présent depuis sa naissance, symbole de son clan d’origine. Sans que Swan sache pourquoi, l’attention d’Aizen sur elle-même et son corps la bouleversait. Ce n’était pas vraiment poli, mais on sentait qu’il ne faisait pas ça pour la contrarier, mais seulement pour satisfaire une curiosité brûlante. De son côté, mais beaucoup plus discrètement, la lupine avait fait de même, sans pour autant avoir détaillé chaque parcelle du grand métamorphe. Puis la sentence tomba, tel un couperet bien aiguisé décapitant un innocent…

…

Un battement de cœur, et c’est déjà passé. Aizen ne faisait pas un flan de son origine. Et après tout, n’avait-il pas raison ? On ne pouvait choisir son peuple de naissance. Soudain, le visage de sa récente rencontre se transforma du tout au tout et Swan prit peur. Le doux sourire se figea en une moue de réflexion et ses sourcils à la base droits, se froncèrent.

Citation :: "Par contre il y a apparemment plus préoccupant : on aurait dit que tu avais le diable aux trousses tout à l'heure. Un lupin est sensé avoir l'habitude des bois, alors qu'est ce qui a pu t'impressionner à ce point là?"

Ouf, ce n’était pas grand-chose finalement, mais, elle hésita sur la réponse à offrir. Qu’avait elle vu exactement ? Bonne question, et pas facile d’avouer d’avoir eu la peur de sa vie pour une guerrière telle qu’elle. Mais bon, elle n’eut pas le temps de répondre qu’un nouvel élément vint s’ajouter à l’équation déjà complexe. La dernière inconnue était un reptile de taille…. Comment dire… Très impressionnante, mais aussi d’une beauté à en couper le souffle. Tout en lui respirait la crainte, la noirceur et la force tranquille. Swan ne put s’empêcher de montrer légèrement les dents, c’était tout de même un prédateur terrible, mais un instinct en elle lui disait de ne rien faire pour le moment, et le grand serpent d’ébène s’approchait d’Aizen furtivement. Puis, sous les yeux ébahis de la jeune femme, le saurien s’enroula sensuellement autour de l’homme. Décidemment, il lui réservait bien des surprises, ce qui n’était pas pour lui déplaire. C’est alors que lui vint une idée ingénieuse. Elle venait de comprendre. Du serpent se dégageait une étrange odeur de… Soufre. C’était surement lui qui avait effrayé la jeune femme.

"Humm, je crois que ce qui m’a impressionné est la petite bestiole à qui tu es en train de gratouiller affectueusement la gorge. En tout cas, elle a la même odeur. Je crois que tu dois m’expliquer certaines choses, car je ne connais pas encore tout de ce monde…"

Elle avait dit ces paroles avec un soupçon d’ironie et un petit sourire charmeur sur son visage qu’elle caractérisait de disgracieux. Aizen monta dans son estime, pour être lié à une créature aussi belle que puissante, il devait être lui même une personne importante.

"En tout cas, plutôt sexy comme accessoire !"

Sur ce, la lupine explosa de rire, un rire chaud et contagieux qui lui prit les tripes. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas autant ri, et elle sentit sa tension des dernières semaines baisser en flèche. Puis, gênée, elle s’arrêta brusquement, soucieuse de n’avoir pas vexé l’homme qu’elle trouvait de plus en plus attractif.

Malgré le rire qui raisonnait entre les arbres, le serpent affichait un mécontentement visible, ouvrant la bouche pour montrer ses crochets.

*« Petite bestiole… Accessoire… »*

Dardant sa langue en direction de Swan, avec un air mauvais, Epsylon exprimait son désaccord à Aizen dans un langage reptilien qu’ils avaient mis en place ensemble, pour plus de discrétion. Sifflements et claquements de dents, les consonances de cette langue n’avaient rien de très musical.

*« Je préfère te le dire tout de suite, je ne l’aime pas. Encore un écart de langage et elle finit dans mon estomac ! »*

« Allons, allons… »

Aizen parlait en commun, tentant de calmer les ardeurs de son associé. Les réactions du dragon étaient souvent brusques, mais il le savait plutôt fainéant après un repas, un avantage pour Swan. La demoiselle avait regardé l’animal s’approcher avec le respect que lui imposait son rang de prédateur. Elle avait eu raison de ne pas tenter de l’attaquer de front à vue, comme le font généralement les personnes inconscientes. ‘Psy n’aimait pas qu’on le prenne pour plus faible qu’il n’était.

S’adressant à Swan, Aizen eut un petit rire cristallin avant de se remettre à parler.

« Epsylon ici présent n’apprécie pas vraiment ton vocabulaire, je te conseille de ne plus l’appeler ‘bestiole’ ou ‘accessoire’, ou autre, il n’a pas beaucoup d’humour. Et sinon… »

Il se décidait à tout raconter. Après tout, les deux compères ne passeraient pas longtemps inaperçu. Un coup d’œil à Psy pour avoir son approbation, le serpent cligna des yeux pour expliquer qu’il s’en fichait, et Aizen reprit.

« Je pense que tu comprendrais un peu mieux la situation si Epsylon reprenait sa forme initiale, ce que je doute qu’il fasse dans un endroit si restreint. Ensuite si je te dis que je suis un dragonnier, tu vois un peu mieux les tenants et aboutissants de la situation ? »

Psy avait terminé sa progression, faisant une dernière boucle autour des épaules du métamorphe. Un mouvement sec, et il pouvait resserrer son étreinte autour du cou du jeune homme. Mais ce genre d’indélicatesse n’était pas au goût du jour. Ce n’était qu’une provocation habituelle, banale entre les deux partenaires.

« Et pour terminer l’histoire, nous venons de débarquer ici. D’où la fringale de ‘Psy… Désolé que tu te sois trouvée dans le champ de tir.»

*« Qui est désolé ? Pas moi, je regrette même déjà de l’avoir ratée ! »*

Swan retrouva rapidement son sérieux. Cependant, cela lui avait fait beaucoup de bien de rire. Les révélations sur le clan du jeune homme l’enchantaient et l’horrifiaient à la fois. Les dragonniers étaient des personnes si respectées ! Et que dire des majestueuses créatures qu’étaient les dragons ?! Alors, ayant peur d’avoir vexé la fabuleuse créature, elle s’avança un peu et fit une gracieuse révérence de l’ancien temps, quand les lupins étaient eux aussi une race respectée pour ses valeurs.

« Je m’excuse de tout mon cœur, ô gracieux Epsylon. Ma race a toujours beaucoup vénéré les dragons, fantastiques créatures supérieurement intelligentes. J’espère que j’aurai l’honneur de me faire pardonner et de te montrer mes valeurs. »

Puis se tournant vers Aizen, elle lui sourit et enchaîna :

« Navrée d’avoir offensé ton compagnon reptilien. Je ne lui en veux pas du tout de m’avoir attaquée accidentellement. En tant que tel, je peux comprendre qu’un prédateur soit excité par un repas prochain… Je ne puis vous être d’une grande utilité dans cette forêt, je n’y suis venue qu’une fois avant aujourd’hui, et c’était dans des circonstances assez mouvementées. »

Les genoux de la lupine avaient enfin cessé de saigner, laissant se former peu à peu une croûte sanguinolente. Swan s’aperçut avec rogne que sa robe s’était déchirée en plusieurs endroits lors de sa chute. Malheureusement, elle devrait s’en contenter encore un petit bout de temps, puisqu’il n’y avait de vers à soie nulle part dans les environs. Et les araignées étaient souvent trop occupées pour rendre un petit service, pourtant gentiment demandé.
Malgré son apparence inquiétante, Swan restait fascinée par le dragon noir et luisant, et elle avait hâte et peur en même temps de le voir sous sa forme originelle. En effet, elle n’avait jamais vu de dragons, à part dans les livres illustrés de son ancien peuple. Et cela faisait tellement longtemps. Cette petite réflexion nostalgique la plongea durant quelques secondes dans ses pensées les plus profondes. Les effets de lumière lorsque celle-ci se reflétant si joliment dans les cheveux blonds de Liber, ce goût si particulier qu’avaient ses baisers, sa façon si douce de la caresser, si contradictoire avec l’attitude habituelle des mâles envers les femelles louves. Dans les rapports, les morsures et autres dommages corporels étaient plus de mise que d’adorables massages et suçons amoureux et provocateurs dans le cou. Quelle innocence Swan avait elle effleuré lors de cette période révolue de sa vie…
Retombant dans la réalité, la lupine se trouvait face au jeune homme, celui-ci semblant attendre quelque chose de bien précis. Avait-elle été absente longtemps ? Elle ne le pensait pas mais sait-on jamais ? Pendant un bref instant, Aizen lui fit penser à son amour désormais ossements blanchis par les vers, et elle dut se contenir pour ne pas lui sauter avidement aux lèvres. * Ce n’est pas Liber ma petite, et ça ne le sera jamais… Tu es condamnée à rester seule. * Cette pensée lui fit retrouver ses esprits.

« Veux tu que nous voyagions de pair pensant un laps de temps indéterminé ? Je suis seule depuis bien longtemps, et un peu de compagnie me ferait le plus grand bien. N’ayant plus de but particulier dans ma courte vie déjà remplie de regrets, je te suivrai où tu voudras aller, toi, ainsi que ton courageux Epsylon. Bien sur, si tu désires rester seul, je comprendrai et partirai sans demander mon reste, comme je l’ai toujours fait dans le passé. »

Bien sur, Swan était habituée à être seule, mais une force irrésistible l’attirait vers la compagnie du jeune homme et de son dragon couleur d’ébène. Mais ce n’était pas à elle de décider. Alors elle attendit sa réponse. Autour d’eux, les oiseaux se taisaient, inquiétés surement par la présence du dangereux carnassier. Ou peut être que la forêt était inhabitée ? Cette pensée résonna longuement dans l’âme de la jeune femme, l’inquiétant un peu. Qu’allait elle donc faire de sa vie ? D’habitude, les loups suivaient toujours un but…

Epsylon était sensible à la flatterie mais de là à dire que ces mots effaçaient ceux précédemment prononcés, il y avait un pas. Et les serpents n'ont pas de jambes pour faire ce pas, et d'un point de vue rhétorique, ça l'arrangeait plutôt pas mal. L'animal gardait ses yeux rivés sur la lupine et se contenta de détourner la tête quand elle se releva, signifiant ainsi qu'il se fichait bien de cette tentative de rattrapage verbal.

Désormais Swan s'adressait à Aizen et le dragon bougea, sa tête de serpent glissant dans son dos afin de retrouver le reste des boucles de son corps sur les hanches du jeune homme. Géné par le poids qui s'appuyait sur son cou, le métamorphe soupira et passa sa main entre les écaille de Psy et sa chair, libérant ainsi sa trachée. Oh, Epsylon n'avait pas cherché à l'étouffer, il oubliait juste que la gravité jouait aussi avec son corps de serpent pourtant si souple et si dérisoire par rapport à sa vraie forme.

Aizen écouta l'excuse que Swan lui adressait maintenant, mais choisit de ne pas en remettre une couche. Il n'avait rien à répondre de toute façon. Le fait qu'elle ne connaisse pas le coin ne les arrangeait guère, mais ils n'étaient pas perdus pour autant. C'était juste dommage, elle aurait pu leur être utile.

*"Pourquoi éprouves tu toujours le besoin de jouer les hommes aimables auprès de bipèdes inconnus? Encore si elle était compatible avec toi pour la reproduction, mais même pas, je me trompe ? Bah, je n’y connais rien à votre physiologie. Mais quoi qu’il en soit, tu n'es PAS gentil, alors tu devrais assumer."*

La logique de Psy était très directe. Avec lui, c'était binaire, forcément blanc ou noir. Autrement dit : je laisse vivre ou je tue. Mais Aizen était plus raisonnable, peut être parcequ'il n'avait pas autant de puissance que son associé reptilien. Le métamorphe observait la lupine dont l'esprit semblait parti ailleurs. A quoi pensait elle? Une réminiscence? Sentait elle quelquechose que les sens du jeune homme ne distinguaient pas? La pause ne dura pas longtemps, juste quelques secondes.

*"Courageux Epsylon... Maintenant elle en fait trop..."*

"Volontiers."

Psy foudroya son associé du regard et serra ses anneaux autour de ses hanches, histoire de prouver son désaccord. Aizen se contenta de serrer les dents. Il eut un froncement de sourcils passager, Psy n'y allait pas de main morte (expression... il n'avait pas de main!) et continuait à n'en faire qu'à sa tête, comme toujours. Ce n'était pas assi grave que ça en avait l'air, de toute façon le serpent finirait par se résigner.

"Je t'avoue que je n'ai pas eu l'occasion de discuter avec une personne quasi-normale depuis bien longtemps. Alors j'accepte ta proposition."

*"Je te préviens tout de suite, elle ne montera jamais sur mon dos!"*

"Alors nous marcherons!"

Aizen avait détourné son regard vers Psy et ses yeux si aimables avaient prit pendant un laps de temps très court une expression dure, comme ils devraient être s'il ne se cachait pas. Ces yeux... Le dragon était lié au métamorphe par eux, et des fois il les aurait bien gobés pour se défouler. Mais c'aurait été retrouver lui même la cécité, et ça c'était encore au dessus de ses forces mentales. Un jour il le ferrait, mais pas maintenant. Patience, le jeune homme finirait bien par vieillir pour de vrai. Revenant à sa discussion avec la louve, Aizen retrouva son calme qui ne l'avait quitté que l'espace d'un souffle.

"Peut être connais-tu quand même un endroit où je pourrais renouveler mes vivres? Un village peut être?"

Enroulé et s'arrangeant pour peser de tout son poids sur les os du métamorphe, Psy boudait. Il ruminait ses plans en regardant ailleurs, décidé à ne pas se mêler à l'histoire de ces bipèdes pathétiques.

La tension se sentait clairement dans la petite clairière vide et calme. La lupine grâce à son instinct percevait parfaitement le mécontentement d’Epsylon, ses yeux froids qui ne cillaient pas la fixant, comme pour lire au plus profond d’elle-même. Un frisson incontrôlable parcourut les membres de la jeune femme, et il fit soudain très froid dans la petite forêt rouge. Elle ne savait pas où trouver de village pour refaire le stock de provisions d’Aizen. La chasse lui avait toujours suffi. Mais que dirait le jeune homme si elle lui proposait de chasser pour eux deux ? Certains hommes aimaient beaucoup le fait de se sentir supérieur aux femmes, et qu’elle sache se sustenter de tout et de rien dans son environnement pouvait parfois lui porter préjudice.
Swan se mit à marcher un peu, sans regarder si le métamorphe la suivait ou non. Il ferait ce qu’il estimait le mieux et elle ne voulait pas causer une querelle entre lui et « son » dragon. Son pas était à la fois souple et rapide, ses pieds nus s’enfonçant dans l’humus tendre du chemin. La corne qui avait recouverte petit à petit son talon, la protégeant des infimes gravillons du sentier. Une douce odeur de mousse venait à ses narines l’enivrant à moitié, et tous les animaux semblaient avoir quitté le sombre bois. La jeune femme se retourna brusquement, manquant de percuter Aizen. De près, il était assez impressionnant, le nez de la lupine arrivant environ à son menton. Sa peau semblait veloutée, peut être un peu trop, bizarrement, pour un homme. Elle ouvrit la bouche, la referma. Elle se recula un peu, gênée par la promiscuité de ce corps étranger au sien. Enfin elle se décida à parler :

« Je ne connais pas de village par ici. Je suis complètement étrangère à ces lieux. Mais…Si tu veux, nous pouvons chasser…J’estime ne pas être trop maladroite dans ce domaine. Bien sur, si tu réprouves cette attitude, je suppose que nous finirons par trouver un endroit pour nous restaurer et refaire une bonne réserve de nourriture… »

Elle avait parlé très vite comme pour faire disparaître un malaise latent. Le reptile la regardait toujours, de ce drôle de regard qu’ont les êtres supérieurement intelligents à vous. Ce petit air qui dit : je finirai par te faire craquer, et à ce moment là…Tu seras à moi. Swan rendit son regard au serpent, puis vivement baissa les yeux, comme brûlée. Sa cicatrice se mit à la lancer, comme avertissement d’un danger qui la guettait. Inhabituellement, elle ne se sentait pas à l’aise dans ces bois, d’habitude si familiers aux lupins. Les sons résonnaient étrangement entre les branches, et la brise légère faisait s’agiter les cimes des chênes les plus hauts. La désagréable impression d’être observée ne lâchait plus Swan. Elle se sentait terriblement mal à l’aise. Mais elle continuait de marcher, impassible. Aizen et Epsylon paraissaient converser par le biais de leurs pensées étroitement liées. La jeune femme se sentait comme rejetée, mais, comme si c’était de sa faute, comme si elle avait fait quelque chose qu’elle n’aurait pas du. Encore une fois, plus brusquement que la première fois si possible, la lupine se retourna vers Aizen. Cette fois, pas un son ne franchit ses lèvres. Elle se contenta de fixer l’homme qui lui faisait face, s’arrêtant sur chaque détail de sa physionomie. Ses yeux, ses mèches de cheveux frôlant parfois l’arête de son ne droit, ses lèvres ni épaisses, ni fines, d’un joli ton rosé.
Elle savait que cela était extrêmement malpoli de regarder les gens ainsi, surtout quand on ne les connaissait que depuis quelques heures, mais elle ne pouvait s’en empêcher, les prunelles grises d’Aizen attirant les siennes vert gris tels deux corps chargés électriquement du signe opposé.

« Euuuh… Je suis désolée…. »

[ Si tu as envie de passer dans un autre lieu, n'hésite pas à m'en faire part ^^]

Aizen sentait bien que l'intervention du dragon avait été assez claire pour que Swan comprenne les pensées du reptile à son égard. Il y a des choses qui n'ont pas besoin d'être dites pour être compréhensibles. Modérément sympathique avec les bipèdes, qu'il considérait plus comme des en-cas que comme des êtres dignes d'intérêt (enfin, pour la plupart), Epsylon s'ingéniait à presque chaque fois ruiner les efforts de socialisation d'Aizen. Le climat ambiant en était même... glacial.

Suivant la lupine, le duo d'associés progressait, se faisant vaguement la gueule l'un à l'autre. Psy boudait, enroulé autour des hanches du métamorphe, qui lui se retenait de rajouter des mots inconsidérés à leur petite dispute pourtant si banale. La forêt rouge était étrangement calme, un calme que les deux compères considéraient comme habituel. Après tout, la petite partie de chasse du dragon n'avait pas dû passer inaperçue et les animaux étaient loin d'être suicidaires. Il n'y aurait certainement pas d'êtres vivants pensants à quelques kilomètres à la ronde. Du coup seul la brise faisait trembler les feuilles des arbres dans un concert de frôlements.

Aizen et Espsylon furent tous deux surprit par Swan quand elle se retourna, au point même que le dragon s'abstint de tenter de mordre cette chair inconnue qui passait à porté dans prévenir, comme il le faisait pourtant à chaque fois. La lupine n'avait apparemment d'ailleurs que faire du reptile pourtant si proche, et se contentait de regarder le métamorphe. Puis elle eut la bonne idée de reculer, ce qui soulagea tout le monde.

Son débit de paroles avait été si rapide, qu'Aizen n'avait pas fini d'analyser sa phrase que déjà elle se détournait. Psy ricanait et le métamorphe lui jeta un coup d'oeil avant de regarder le comportement de la demoiselle. Etre plus mal à l'aise aurait été difficile, et cette attitude ne collait pas avec l'habituelle tête froide aux réactions précises et instinctives que possédaient les lupins. Elle cogitait trop.

*"Je la terrifie... Ca sent le mal être à plein nez, comme c'est cocasse..."*

Le serpent n'avait pas tort, ça sentait en effet l'embrouille, mais un être instinctif aurait de toute façon mal supporté la présence du reptile, comme les animaux des environs d’ailleurs. Aizen savait quoi décider, une seule solution était envisageable s'il voulait ne pas encore rester isolé dans un coin avec Epsylon.

"Psy, descend veux-tu. Je t'appellerai plus tard. Il doit sûrement avoir des choses intéressantes pour toi dans le coin."

C'était une façon déguisée et polie de dire : 'casses toi tu gènes'. Le serpent avait presque l'habitude de ça, mais ne s'empêcha pas de fixer Aizen avec un air outré, avant de finalement de laisser glisser le long des jambes du métamorphe, jusqu'au sol. Sans même se retourner, il s'éloigna rapidement dans le sous-bois. Bah, il oublierait vite qu'il s'était juré de bouder jusqu'à la fin de ses jours et reviendrai à l'appel du jeune homme, toujours partant pour de nouvelles péripéties poilantes.

Encore une fois, Swan se retourna, et cette fois ci Aizen se félicita d'avoir renvoyé Psy, qui aurait été moins tolérant que tout à l’heure. Avec un regard insistant, la jeune femme le détaillait, et il ne s'en offusqua pas, se contentant de soutenir son regard. Lorsque la lupine s'excusa, il eut un petit rire amusé.

"Il n'y a pas de mal. Maintenant que j'ai renvoyé Epsylon, on pourra peut être espérer rencontrer du gibier. Son aura fait fuir tous les êtres vivants du coin. Pour ce qui est des vivres... La chasse me convient, même si ça ne sera pas pratique pour les provisions sensées se conserver sur du long terme. Enfin, ce n'est pas bien grave."

Il parlait beaucoup maintenant qu'il avait un poids en moins sur la conscience et sur les hanches. Un craquement sinistre retentit, provenant de la chute de tronc à une centaine de mètres de là. Les arbres tremblèrent sous l'appel d'air provoqué par les immenses ailes qui battaient, faisant décoller les feuilles du sol. Epsylon venait de reprendre son apparence et il décollait direction... Ailleurs. Passant au dessus d'eux, l'immense silhouette noire, pourtant déjà haut dans le ciel, leur occulta pendant quelques secondes la vue du soleil, puis disparut rapidement.

"Bien, nous serons en effet tranquilles pour quelques temps..."

Plus il était loin, plus Aizen avait l'esprit léger. Un peu contradictoire pour un dragonnier, mais il fallait dire que les dragons noirs étaient des plaies à gérer. Parmi toutes les espèces de la famille des chromatiques, c'étaient probablement les pires.

Bon, Maintenant, où aller? Nord, Est, Sud, Ouest? C'était vraiment une bonne question. Pourquoi ne pas continuer simplement tout droit? Avec un peu de chance ils déboucheraient quelque part...

[HRP : je te laisse décider du lieu où aller, sinon on peut aussi prendre racine dans la forêt... Enfin à ta guise : c'est toi qui a le flair et qui guide ^^]