Fraicheur et sérénité...

[ ==> Forêt Rouge]

Le dragon venait de prendre son vol, faisant tourbillonner les feuilles éparses et rougeâtres de la forêt. Mais pas le temps de se poser d’autres questions sur le départ du sombre reptile. Elle se demandait ce qui avait pu se dire mentalement, mais sans plus. Ca ne la concernait pas vraiment en fait.
Ils marchaient depuis maintenant plusieurs heures, quand les arbres s’espacèrent, laissant apparaître la lumière du jour. Malgré qu’Epsylon soit parti, Swan se sentait toujours très mal à l’aise car ce n’était pas l’être écailleux qui l’effrayait le plus, mais l’homme au sang chaud qui l’accompagnait.
La végétation laissa place à une grande plaine dégagée, où s’élevait une haute montagne dorée. De celle-ci semblait s’échapper furtivement des chants païens indiens. Le sommet paraissait presque plat vu d’ici, et des impressionnantes statues ornaient son immense espace. Sur la totalité des versants, on pouvait voir, à intervalles réguliers, des petites niches creusées à même la pierre. Beaucoup de ces alvéoles contenaient une statuette, mais pas toutes. Cela restait étranger à la lupine, vieux rite pour les morts chez les indiens, ne signifiant rien de particulier pour son peuple. Elle se demanda subrepticement si Aizen était déjà venu ici, s’il y avait fait des rencontres ou non. Bizarrement, elle se demanda aussi s’il aimait les femmes. Mais cette question ne perdura pas dans son esprit et s’évapora dans l’air moite de l’après-midi, comme si elle n’avait jamais existée. La sueur recouvrait légèrement son front et le dessus de sa lèvre supérieure, et il passa doucement sa langue, essuyant le liquide salé. Un peu plus et on se serait cru dans une jungle, tellement l’humidité semblait tomber des arbres. Mais la plaine dans laquelle ils venaient de pénétrer était tout à fait différente. Une brise fraiche fit sécher comme instantanément la condensation sur le corps de la jeune femme, et elle se sentit nettement mieux, comme si, avec, disparaissaient toutes ses interrogations intérieures. Elle se retourna vers le métamorphe, aussi beau que la dernière fois où elle l’avait regardé.

« Plutôt joli par ici, non ? Enfin tout est relatif surement… »

Du coin de l’œil elle aperçut un petit ruisseau où ils pourraient s’abreuver ainsi que le terrier d’un lièvre. Elle sourit, la perspective de viande fraiche pour ce soir la requinquant. Elle aimait sentir le goût du sang sur ses lèvres, comme la fois où Liber et elle avait pique-niqué dans la forêt, à l’abri des regards trop indiscrets de leur clan. Ils avaient dévoré quelques rongeurs crus, puis, le sang échauffant les ardeurs, ils avaient fait l’amour pour la première et dernière fois. C’est là que Swan s’était gravement brûlé le dos au soleil ardent. Ce souvenir de sa première fois resterait ancré à tout jamais dans son esprit. Jamais la jeune femme ne s’était sentie aussi complète que ce jour là. Même si cet acte impardonnable avait signé l’exil pour elle et la mort de son compagnon tant chéri. Mais c’était le passé, et personne ne pouvait réparer ce qui était arrivé. Et même si elle pouvait, la lupine n’aurait rien changé à son comportement de cette chaude après-midi.

« Il y a une source d’eau là-bas, nous pouvons nous y rafraichir et j’aimerai beaucoup pouvoir me laver aussi. Bien que je sois un animal, j’aime la propreté… »

Sans un mot, elle se dirigea vers le ruisseau. L’eau semblait froide, mais pas très profonde. Cela suffirait. Elle ramassa quelques saponaires afin d’effectuer une toilette complète de son anatomie. La jeune femme ne chercha pas à se cacher, il n’y avait de renfoncement rocheux ou de buissons nulle part. Ce serait à lui de détourner le regard...Ou non. De toute façon elle n’avait jamais été très pudique. Dans la meute, peu importait la nudité. Elle passa sa robe vaporeuse par-dessus sa tête, faisant apparaître son corps sans défauts. Seule la brûlure semblait faire tâche au beau milieu de son dos. Ses muscles, longs et secs, n’avaient jamais cessé d’être, Swan courant toujours partout où elle était. Une louve se devait de maintenir ses performances physiques si elle voulait survivre. Sinon, seule et exclue, elle mourrait sans avoir laissé de trace dans les étoiles. La lupine pénétra dans l’eau glacée puis écrasa entre ses doigts les fines corolles de fleur qui se mirent à mousser. Elle s’étala de cette mousse parfumée partout sur le corps ainsi que sur ses cheveux gris foncé, puis plongea pour se rincer. Elle nagea un peu à contre courant, histoire de se détendre. Sa brasse était souple, sans à coups ni éclaboussures. Enfin elle sortit et s’allongea au soleil, histoire de sécher un peu avant de se rhabiller. Elle plaça sa robe aux endroits les plus intimes de son corps, afin de ne pas passer pour exhibitionniste tout de même. L’astre brûlant chauffant agréablement, elle fut rapidement capable de réenfiler sa tenue. Elle s'élança gaiement vers Aizen:

« Ca y est, j’ai fini ! »

Swan espérait ne pas avoir été trop longue, le temps passant toujours plus vite lors d’une activité plaisante. Néanmoins, elle se sentait clairement mieux maintenant qu’elle ne sentait plus le raton laveur.

Spoiler:

Entre deux jours de vol et une journée de marche, le temps de voyage commençait à peser sur le dos d'Aizen. Le dos de Psy était loin d'être confortable, avec ses plaques et ses épines, sans compter le fait que mine de rien ses articulations avaient un certain âge... Bref. Le métamorphe n'était pas de nature à se plaindre, alors il se contenta d'avancer sagement, suivant à distance sociale la lupine qui lui servait de guide.

Bientôt le paysage changea, et ce n'était pas pour lui déplaire. Au fond, Aizen et Epsylon auraient mieux fait d'atterrir dans cet endroit dégagé. C'était à quoi, 2 minutes de vol? Comme les distances étaient dérisoires quand on était à dos de dragon. Au loin retentissaient comme des chants tribaux et le jeune homme avait une assez bonne notion des coutumes tribales communes pour savoir qu'il ferraient mieux de ne pas aller les déranger. Rite funéraire ou pour les dieux, sa curiosité fit quand même piquée au vif par cette probable cérémonie et il nota d'aller faire un petit tour plus haut sur cette montagne, un jour ou l'autre.

La brise qui les rafraîchissait depuis leur sortie de la forêt n'était pas pour lui déplaire, et il s'accorda avec Swan quand elle choisit de s'arrêter à cet endroit là. Bien entendu, il n'avait pas repéré le terrier, ce n'était pas dans son genre d'instinct, mais par contre il avait bien vu le cours d'eau et son intérêt grandissait. L'élément liquide était quelque chose que le métamorphe appréciait, peut être à cause de sa précédente vie passée sur les flots. A bien y réfléchir, il avait l'impression que c'était un autre homme qui avait vécu à cette époque là, tellement le temps et les évènements avaient considérablement changé son futur et son caractère.

Aizen regarda Swan qui apparemment avait en tête de prendre un bain. Lui aussi était parti dans la même optique, mais honneur aux dames. Surprit et arrêté dans son élan vers la berge, il la vit se dévêtir, appréciant son manque de pudeur sans un mot, juste une trace de sourire. Décidemment, tout ceci devenait de plus en plus intéressant... Peu au fait des petits trésors que recelaient la nature, il l'observa cueillir ces fleurs qui apparemment s'avéraient fort utiles. Toujours observant la scène, avec ce mélange de voyeurisme et de désinvolture qui l'empêchait de détourner le regard, Aizen eut une soudaine envie de la rejoindre, mais…

Depuis le temps qu'il vivait avec un danger potentiel permanent, le métamorphe avait fini par développer un certain sens de la prudence, et se surprenait même parfois à des excès de paranoïa. Rejoindre une jeune femme nue rencontrée depuis quelques heures seulement dans son "bain", alors qu'en plus il connaissait sa vraie nature bestiale, aurait risqué de lui valoir une bonne crise de coups de griffes ou autre. Après tout, Swan avait beau avoir l'air aimable, il savait mieux que quiconque qu'il fallait de méfier de l'eau qui dort. Si elle avait un geste malheureux causé par la surprise, il doutait fort d’apprécier.

Aizen s'assit sur une pierre plate qui chauffait depuis le matin au soleil. Déposant son sac, il réfléchissait à une conduite à tenir... et mis son plan à exécution.

Swan venait de sortir de l'eau, et il n'avait pas bougé. Elle s'installait pour lézarder au soleil, et il n'avait pas bougé. Elle remettait ses vêtements, et il n'avait pas bougé. Et maintenant qu'elle s'adressait à lui... il ne bougeait toujours pas, ne semblant même pas respirer. De quoi surprendre un fin observateur.

Un clapotement d'eau inhabituel retentit derrière la lupine, provenant de la rivière qu'elle avait quitté quelques temps auparavant.

Swan a écrit:

"Ca y est, j'ai fini."

Subitement, la forme assise disparut, remplacée par un tas de vêtements pliés et une sacoche de voyage. Sortant de l'eau, Aizen essora ses cheveux en y passant les mains. Le liquide dégoulinait sur son corps frais et propre. Il avait conservé son pantalon pour des raisons de moeurs. Si la vue d'une belle femme nue avait dans tous les cas de quoi ravir, celle d'un homme bien fait dans la même tenue pouvait en choquer certaines, et il ne savait pas où s'arrêtait le niveau de pudeur de Swan. C'était une injustice particulièrement flagrante mais soit, le tissus sècherait "sur la bête".

Ca tombe bien moi aussi.

S'approchant à nouveau de sa pierre plate, et donc progressant pieds nus sur le sol de la berge en direction de la lupine, Aizen sentait déjà qu'il pouvait s'attendre à devoir donner des explications. Bah, il avait joué un peu le cow-boy là, en faisant usage de ses pouvoirs un peu dans le vide, mais c'était aussi un détail qu'il considérait primordial lorsqu'on faisait la connaissance de quelqu'un : connaître son nom, ses habitudes, son caractère, certes, mais connaître ses pouvoirs et ses limites c'était aussi très important. En se confiant, il lui prouvait qu'il était assez en confiance pour se révéler, et espérait bien en apprendre plus sur son guide en juste retour des choses.

Le soleil et la brise jouaient déjà sur sa peau claire, s'acharnant à sécher le plus gros de l'eau qui y était encore accrochée. Par contre pour ce qui était de ses cheveux, plaqués en arrière, le jeune homme savait déjà qu'il devrait attendre assez longtemps pour les avoir secs. C'était le soucis quand on en avait une telle masse...

Swan venait de se relever, habillée de frais. Aizen était assis sur un rocher, à l’attendre. L’avait-elle observée en « cachette » ? Cela lui était égal. Elle commençait sérieusement à avoir faim. De cette faim qui vous fait des nœuds dans l’estomac. Elle allait s’adresser au jeune homme quand celui-ci disparut très exactement de la pierre. La lupine ne put s’empêcher d’ouvrir la bouche dans une moue étonnée et de pousser un petit cri étouffé. Puis, entendant le bruit d’une éclaboussure, elle le vit tel qu’il était en train de faire trempette. Il sortit du ruisseau, un petit air supérieur sur le visage.

Citation :

« Ca tombe bien moi aussi. »

La jeune femme n’y avait pas encore pensé, mais elle, elle pouvait bien se transformer en louve et parler aux animaux, alors pourquoi l’homme qui lui faisait face ne pourrait-il pas avoir quelques pouvoirs en plus ? Il sortit de l’eau et aperçut qu’il avait gardé son pantalon. Cela la fit sourire, elle n’avait pas l’habitude qu’un homme soit pudique mais après tout pourquoi pas ? Il avait surement beaucoup d’autres différences avec elle et sa façon de penser. Sans gêne, elle le détailla du regard, sans vouloir juger ou quoi que ce soit. C’était juste qu’elle n’avait pas vu de corps d’homme adulte depuis longtemps. Ses muscles paraissaient fermes, tout comme ceux de la jeune lupine, et sa peau avait une jolie teinte. Pas comme la sienne, qu’elle détestait tant pour sa pâleur et surtout son dos rougi par la cicatrice. Il avait mis ses cheveux humides derrière ses oreilles, mais une mèche rebelle persistait à revenir devant ses yeux. Elle s’approcha et d’un geste lent, la replaça là où elle aurait du se trouver. Ensuite elle réfléchit un peu…
S’il voulait bien lui montrer ses capacités spéciales c’est que peut être il espérait quelques informations en retour, sur elle-même ?

« Plutôt amusant comme capacité… Je dois dire que tu m’as prise au dépourvu, dit-elle malicieusement, moi personnellement, je n’ai pas beaucoup de pouvoirs, je peux juste me transformer en louve bien entendu et… Parler aux animaux, ce qui peut se montrer utile de temps en temps… »

Devant lui, comme pour lui prouver ses dires, elle se muta en louve blanche aux yeux vert d’or pendant quelques instants, puis, reprenant sa forme humaine appela un petit geai bleu posé non loin de là. En lui demandant gentiment, elle réussit à le faire venir sur son index, long et fin, puis le fit s’envoler en flèche dans le ciel bleu. Voilà, pour l’instant, elle estimait ces révélations suffisantes. S’il voulait savoir d’autres choses, il lui poserait des questions. Il n’était pas timide à ce point quand même.
Enfin… Décidant que sa faim venait de passer au stade « impossible à retenir », la jeune femme choisit de commencer à préparer un bon repas. Elle s’approcha furtivement du terrier qu’elle sentait habité. Puis, sournoisement, même si elle n’aimait pas trop faire ça, elle appela le lapin… Qui tomba droit dans la gueule du loup, c’était le cas de le dire. Rapidement, sans autre cérémonie, elle lui rompit le cou d’un geste brusque. Elle commença sa petite préparation ce qui consistait en l’installation d’un feu, d’une broche, et la recherche de délicieuses herbes aromatiques. Swan travaillait vite et sans bruit, et bientôt, il ne fallut plus qu’attendre que la viande soit cuite. Cette dernière dégageait déjà une odeur salivante de sang et de tamarin. La nuit commençait à tomber et la douce lumière du feu se reflétait harmonieusement sur le beau visage du métamorphe. C’était silencieux, mais un silence apaisant et non hostile. Swan se demandait à quoi pensait le jeune homme.

[HRP : Sorry du retard... ]

Aizen avait souri en voyant la réaction de Swan, et son air étonné. Bah, c’était normal, après tout, elle le prenait peut être encore pour un simple quidam sans pouvoirs, et elle avait bien raison, comment aurait-elle pu deviner ? Elle sourit aussi en le regardant s’approcher. Elle regardait son pantalon, et il se doutait de ce qu’elle pensait. Mais voilà, il avait fait son choix. Il n’était pas gêné par son regard. Après tout, il avait fait pareil, et puis son corps restait un instrument de travail, une matière brute, pas un trésor à garder hors de vue comme le faisaient certain. Avec un minimum de retenue cependant !

Le jeune homme haussa un sourcil en la voyant s’approcher. Méfiant de nature, il la laissa faire, mais n’avait pu retenir le léger recul de buste qu’il avait eu quand elle avait approché sa main de son visage. C’était tellement inattendu. Un geste complètement gratuit, sans retenue et sans sous entendu, qui ne demandait rien en retour… Depuis quand le métamorphe avait il eu un rapport franc de ce genre avec quelqu’un ? Une éternité lui sembla t’il…

La démonstration de la jeune femme offrit un changement de sujet qui le rassura. Elle sortait ainsi de son espace vital intime, le laissant avec lui-même. A force d’imposer les distances, il ne savait plus que faire quand elles étaient rompues par un geste tendre, pour autre chose qu’une démonstration de force, qu’un jugement ou qu’un acte charnel. De tout ce trouble, seul le haussement de sourcil et ce léger recul avaient été visibles. Il tenait à garder ses barrières fermées.

Le piaf arriva et reparti. Il ne savait pas vraiment si ce pouvoir apportait beaucoup de choses, mais c’était réfléchir avec son propre point de vue. Autour du dragon, les animaux étaient absents, trop terrorisés, mais oui, en y pensant, c’était logique pour un lupin. Leur habitat devait grouiller de créatures.

Lui-même n’avait montré que deux de ses pouvoirs, et encore, en différé : l’invisibilité et l’illusion. Il avait fait croire à sa présence sur la pierre alors qu’il était parti vers la rivière sans qu’elle le voie. Ses autres pouvoirs avaient quelquechose de plus agressif, ou tout du moins de moins inoffensif, et il avait douté de sa réaction si elle les avait vu.

Il allait parler, sortant un commentaire sur l’utilité des capacités de Swan, quand il vit la lupine se retourner. Tiens, où allait elle ? Il la vit s’accroupir et vit le terrier qu’il n’avait juste là pas remarqué. Dans un sens, c’était logique, il n’avait ni son odorat, ni son habileté pour ce genre de choses. Qu’aurait il pu faire ? Rien. Elle s’occupait de tout comme un chef.

Le soleil quittait le ciel doucement, accompagné d’une brise fraîche, un avant goût de la nuit. L’eau avait séché sur la peau d’Aizen et il ne sentait pas gêné par la température qui chutait. L’air était encore doux, assez pour dormir dehors sans frissonner. Et puis il n’était pas frileux de nature.

La lupine s’occupait de leur repas et le jeune homme s’approcha d’elle doucement. Il avait beau être discret, il ne pouvait luter contre les sens de Swan, aussi ne prit il pas plus de précautions que ça pour la surprendre. Comme s’il savait que ça ne servirait à rien. S’accroupissant à côté d’elle, il la fixa quelques temps avant de parler.

« Swan, quel âge as-tu ? Et quel âge me donnes-tu ? »

C’était direct, même si la question pouvait surprendre. Lui-même n’avait plus conscience de son âge. Il avait besoin d’un repère temporel, aussi décalé soit il. A force de ne s’attacher à personne sur le long terme et à n’avoir comme compagnon qu’un dragon quasi immortel, il ne savait plus trop comment compter. Le chiffre qu’elle lui donnerait serait le point de départ du temps qu’il passerait ici.

Spoiler:

*25 et 30. Bien.*

Pour quelqu'un qui n'avait plus la notion des années, cette donnée, aussi floue soit elle, était un bon début. 27, la moyenne, ce serait parfait. Il sourit quand elle évoqua cette chose qui clochait. Oui, elle avait raison, mais étais-ce nécessaire d'en parler?

"Tu as raison, c'est étrange. Et tu n'es pas si loin de la vérité."

Pas si loin? Elle était pile dedans oui! Il ne voulait pas plus se dévoiler. Il avait eu plus de relations de confiance avec la lupine en quelques heures qu'avec d'autres pendant des années. C'était presque contrariant de voir comment elle arrivait à installer un climat calme. Il se serait presque laissé apprivoiser. Presque. Au fond de lui, il sentait qu'il en fallait plus pour envisager d'être plus proche.

Swan se détourna, et il ne chercha pas à l'en dissuader. C'était un sauvage de nature, distant par choix et par habitude, et il ne parlait pas beaucoup non plus. Aizen avait conscience que c'était un tort, que sa compagnie n'avait rien de fabuleux, vu qu'il se contentait de peu de paroles, mais entre l'inutile et l'indispensable, il avait choisi de se taire. Une fois qu'elle fut installée, il se leva à son tour, s'éloignant pour se mettre de l'autre côté du feu.

La proximité des flammes avait son avantage, elles apportaient chaleur et sécurité. Et puis elles finiraient de sécher le tissus de son pantalon encore frais. Plaçant ses bras derrière sa tête, allongé de tout son long, il ferma les yeux, avec la claire intention de dormir un peu. Summum de la préparation, il avait prit le soin d'enlever cailloux, brindilles et racines qui auraient pu malmener son dos.

Une lune en croissant qui étendait les ombres encore plus sombres de la nuit, du sable à perte de vue, des colonnades de pierre brute. Aizen était perdu dans le tourbillon de ses rêves. Le paysage était froid et stérile, et les belles colonnes fissurées, certaines s'étaient même écroulées sans que personne ne pleure leur chute. Le métamorphe avançait, pénétrant sous les arches, dans un monde encore plus sombre, dans lequel il ne distinguait rien. Il était pieds nu, et au sol étaient répandus des bouts de verre qui entaillaient sa peau. Mais à chaque fois, son pouvoir de régénération se chargeait de guérir les plaies, ne laissant que la douleur, sourde, banale, presque sans intérêt.

Ses mains se tendaient devant lui et il saisit quelque chose. Du tissus ? Aussitôt dans l’obscurité il distingua un bout de tissus sale, déchiré, qu’il tira à lui comme si il voulait le sortir de l’obscurité... Il tira plus fort et hurla de surprise. C'était un cadavre putride perdu dans cette mer de noirceur, et dont il avait saisi un lambeau de vêtement. Le cadavre tendit ses mains décomposées vers lui et sembla vouloir lui parler en ouvrant la bouche. Ses lèvres avaient disparu depuis longtemps et ses gencives étaient pourries sur des dents trop blanches. Ses mâchoires s’ouvrirent sur un vide béant au lieu d’une bouche ou aurait dû se trouver une langue qui n’y était plus.

Revenu à la réalité, Aizen ne cria pas, à vrai dire, il n'avait pas eu l'attitude de quelqu'un qui aurait cauchemardé. Il se contenta de respirer un peu plus fort, signalant ainsi son réveil. Combien de temps avait il 'dormi'? Le métamorphe avala sa salive, constatant qu'il avait un goût de bile dans la bouche. Ce rêve faisait parti d'un panel de songes qu'il avait souvent, et dont il ne connaissait ni la provenance, ni la signification. A force, on finissait par s'habituer. Ecoutant les bruits des alentours, il se focalisa sur la respiration de Swan, et il lui sembla qu'elle ne dormait pas non plus.

Comme de toute façon il ne pourrait pas retrouver le sommeil avant quelques temps, Aizen se leva, et entreprit de faire quelques pas, avec le moins de bruit possible, pour ne pas déranger la lupine...

Spoiler:

Faim? Oui, un peu, en effet, mais il n'en mourrait pas. Il avait encore un peu de quoi manger dans ses affaires, et pour tout dire, du lapin froid pour le petit déjà, ça ne lui paraissait pas appétissant du tout... Aizen répondit donc à la négative à la question de la lupine, d'un hochement de tête.

"C'est bon merci, je survivrai."

C'était un ton amusé. Elle le maternait c'était presque touchant, mais aussi un peu dérangeant sur les bords, enfin... Il était parti récupérer tout ce qu'il avait déposé avant la nuit, histoire de se préparer pour le départ lorsque la seconde intervention de Swan lui parvint aux oreilles. Bel homme? Il se retourna, la fixant avec un regard neutre, mais le petit sourire qu'il affichait toujours était encore vissé à ses lèvres. Bel homme. C'était un compliment qu'on ne lui avait pas fait depuis tellement longtemps. Le métamorphe ouvrit la bouche, prêt à renvoyer la pareille à la lupine, mais il n'en eut pas le temps.

Un cri, strident métallique venait de retentir au loin. Tellement loin à vrai dire qu'une personne normale n'y aurait pas fait attention. Pour Aizen cependant, c'était autre chose : il pouvait reconnaître ce cri entre mille : Epsylon annonçait qu'il arrivait et il semblait très remonté dans le bon sens du terme.

"Dejà?"

Etonnant. D'habitude le dragon partait bien plus longtemps en exploration. Aurait il trouvé quelquechose d'exceptionnel qui vaille le coup de revenir chercher son associé? Peut être... Aizen en frémit d'excitation. Connaissant le reptile, il y avait de quoi jubiler. Le sourire du jeune homme s'étira alors qu'il se tournait vers le ciel, main en visière. Son expression affichait maintenant quelquechose d'un peu malsain, comme s'il songeait à des sales coups. En fait, il était en train d'élaborer des théories sur les raisons de ce retour...

Le dragon était déjà en vue. Il allait tellement vite à chaque battement de ses ailes gigantesques, qu'il n'aurait pu en être autrement. Cette fois ci, il n'avait pas prit la peine de se dissimuler et volait assez bas. Ce n'était pas dans ses habitudes... Quelques autres battements, et il se laissait tomber au sol, les deux pattes arrières griffues atterrirent dans la rivière et l'eau se troubla à cause de toute la vase que le dragon venait de soulever. Une grimace déformait le visage reptilien... Et dire que c'était un sourire, on aurait plus dit qu'il était menaçant...

Langage Draconique : "Aizen! C'est positivement merveilleux!"

Le métamorphe afficha un air surprit.

Langage Draconique : "Quoi donc, qu'as-tu trouvé?
Langage Draconique : - Tu ne vas pas me croire... Sur cette île, il y a toute une communauté de dragonniers. Et plein de faiblards en plus!"

Epsylon s'ébroua, montrant son excitation. Il avait hâte d'y retourner afin de leur montrer à tous son rang et sa force... Les dragons entre eux étaient vaniteux. Aizen, lui, se contentait de sourire encore plus. Il avait dans le regard une petite étincelle qui n'était pas apparue depuis longtemps... D'un coup d'oeil, il se retourna vers Swan, qui avait été totalement ignorée par le grand dragon noir.

"Désolé cher Lupine, mais là... Je crois que notre petit bout de chemin ensemble s'arrête ici."

Psy gronda et fit un pas pour s'approcher d'Aizen. Ses pattes arrières labouraient le sol d'impatience.

Langage Draconique : "Monte, dépêche toi!"

Le métamorphe saisit ses affaires et attrapa la griffe qu'on lui tendait et atterrit lestement sur le dos hérissé de pointes, juste là où c'était le plus confortable, à la base du cou. Sans plus attendre, Psy regarda en l'air et bondit. Aizen n'eut que le temps de faire un signe à Swan, un au revoir, avant qu'ils soient hors de portée. La pauvre devait rester comme deux ronds de flan toute seule, mais le duo n'allait pas s'encombrer d'elle. Déjà, Psy ne l'aurait pas laissée venir avec eux, mais en plus elle les aurait ralenti, elle ne devait pas avoir l'habitude du vol... Sans compter qu'elle n'avait probablement que faire des autres dragonniers.

Aizen se promit quand même de continuer un peu cette discussion avortée si ils se recroisaient un jour. Après tout, c'était possible, il avait tellement de temps devant lui...