Boire un petit verre, et d'autres

Une île sombre et déserte, une embarcation en catimini sur un des rares navires, et elle avait fini par débarquer. Ailleurs. Quelque part. Sans savoir où. Elle ne savait où aller. Comment d'ailleurs savoir où mener ses pas lorsque l'on ne sait où l'on a mit les pieds.
Un pied puis l'autre, elle marche, droit devant, sans interpeller les gens, sans chercher à savoir. A quoi bon savoir? Se contenter de déambuler. Elle avait donc déambulé Rina, marché au hasard des rues jusqu'à parvenir à une lieu reconnaissable en tout endroit au monde. Une taverne, maison à boire, à oublier. Pour la deuxième partie point n'était besoin d'essayer, la moindre goutte de sang lui servait de mémento. Elle soupira, sourit, entra d'un pas résolut.

La taverne était pleine à cette heure ou le soleil venait de se réfugier sous les vagues pour laisser place à la lune. Ça ripaillait de toute part, on buvait on chantait, on discutait. Majoritairement des hommes si ce n'étaient quelques serveuses qui s'étaient adapté au lieu et à ceux qui le peuplait. Elle se faufila aisément entre les grosses brutes et fins filous jusqu'au comptoir.
Avisant un tabouret libre elle maudit sa petite taille mais se hissa tout de même sur ce perchoir qui serait pour elle le meilleur des emplacements. Le bout du comptoir, juste à côté du couloir menant aux toilettes. Même si elle se doutait que nombre des personnes présentes se contentaient d'un mur extérieur lorsque le besoin de se soulager se faisait sentir.
Le barman avisa finalement son arrivée et évitant un verre qui volait vers lui, vint prendre commande.

Une soupe, si c'est possible, avec de la viande saignante et un verre de rhum s'il vous plaît.

Rien de plus, après tout ici elle ne connaissait rien ni personne et n'avait qu'à passer commande. Attendant que sa commande, qui avait été acceptée, lui soit servie, elle se tourna à demi pour observer la salle en tapotant distraitement du bout des doigts sur le comptoir.
Ses pensées s'enfuirent d'elles même de la réalité. Le froid, la chute. Étreinte rassurante, envie de dormir. Douleur insupportable, sensation étrange. Les dents s'enfoncent dans son cou, sans une hésitation. Elle ferme les yeux, les rouvrent violets. Fin de la torpeur elle se débat, hurle. On vient...

» un petit verre pour commencer...
» Un p'tit verre !
» Un p'tit verre, deux p'tits verres, trois p'tits verres...
» Un petit génie
» Petit passage...